dimanche 23 janvier 2011
Les évènements extraordinaires survenus en Tunisie et cette révolution de jasmin qui n'en
finit pas de nous étonner et de nous enthousiasmer m'a poussé à relire un livre écrit
par René Dumont écrit en 1991 intitulé :"Démocratie pour l'Afrique".
J'y apprends, page 309, que Michel Rocard en 1989 a demandé à Stéphane Hessel d'organiser un
groupe de travail pour étudier "les relations de la France avec les pays en développement."
Cette étude rédigée et terminée au début de 1990 devait être publiée par la Documentation
Française. A la fin de l'été 1990, elle ne l'était toujours pas publiée ; René Dumont indique qu'elle aurait
déplu à l'Elysée, notamment en ce qu'elle proposait la création d'un Haut Conseil qui interviendrait dans
le "domaine réservé"...
En voici un extrait :
"Les décisions des acteurs économiques dominants ne respectent pas spontanément les intérêts
prioritaires des populations en matière d'emploi, d'aménagement du territoire ou d'accroissement
équitable du pouvoir d'achat.
Cette mondialisation entraîne une tendance à l'uniformisation selon les règles du modèle de
développement dominant, comme s'il n'y avait qu'une seule "bonne voie" qui passe par la
maximisation de la croissance et la spécialisation internationale en fonction des avantages comparatifs,
et qui nie toute possibilité de pluralisme en matière de stratégie du développement...
Les résultats de ce processus sont peu compatibles avec le développement des catégories les plus
défavorisées du Sud.
La démocratie n'est pas seulement la résultante espérée du développement, mais la seule forme
capable de substituer à l'état de fait un Etat de droit.
Les politiques d'ajustement soulèvent des doutes quant aux orientations de fond qui sont véhiculées
par elles, tant en ce qui concerne les principaux compartiments de la politique économique (monnaie,
fiscalité, industrie, agriculture) qu'à propos des politiques sociales (éducation, santé).
Par ailleurs, la dimension politique et sociologique, (effets de répartition des revenus) soulève de
nombreux problèmes que la Banque Mondiale n'a commencé que récemment à évoquer...
L'Afrique subsaharienne est un sous-continent en crise structurelle menacé de marginalisation...
Sa situation financière est aujourd'hui très détériorée. Le taux de natalité est, de surcroît, le plus
élevé au monde, sans commune mesure avec ses perspectives de croissance et la préservation
de ses ressources naturelles..., ce qui obère lourdement les perspectives de développement."
Stéphane Hessel dit encore un peu plus loin dans son rapport :
"La conception de base de notre coopération devra être revue dans le sens d'une plus grande
rigueur et du rejet de toute complaisance clientéliste."
Il fait la proposition d'étudier avec ces pays :
"le passage d'une économie trop dépendante de l'exportation de produits de base à une
économie plus diversifiée, une agriculture vivrière régénératrice, une moindre dépendance à
l'égard de l'aide alimentaire ou des importations de nourriture, et l'évolution d'un régime politique
à partie unique et à bureaucratie souvent prédatrice vers le pluralisme et la démocratie."
René Dumont indique dans son livre qu'il a été tout à fait regrettable qu'une étude aussi intéressante
réalisée à l'initiative du Premier Ministre, n'ait pas été soumise, par sa diffusion, à la réflexion de
l'ensemble des Français et des "citoyens du Monde".
En tout cas, il aura fallu attendre vingt années après la réalisation de ce rapport pour voir se
dérouler sous nos yeux la première révolution en Afrique et de quelle manière !